Pourquoi éviter les gels énergétiques ?
Un article paru cette semaine sur le site internet Bike Rumor a suscité plusieurs réactions dans l'industrie de la nutrition sportive. Depuis la parution de l'article, BikeRumor a publié quelques répliques qui lui ont été envoyés après coup. ( http://www.bikerumor.com/2014/06/02/rebuttal-why-athletes-should-use-gels/ )
Voici un résumé de cet article controversé dont l'auteur, *Stacy Sims, MSc, PhD, est elle-même triathlète et co-fondatrice de la firme OSMO Nutrition .
Lorsque nous examinons certaines des plus grandes préoccupations auxquelles font face les athlètes d'endurance, l'équilibre entre l’alimentation et l’absorption de liquide pour maintenir un niveau de performance optimal et retarder le niveau de fatigue durant une activité sans subir des troubles gastro-intestinaux arrive en tête de liste. Or, les études démontrent que 45 à 50 % des athlètes d'endurance seraient affectés par divers symptômes gastro-intestinaux. Allant de légers à sévères, ces symptômes peuvent être liés à plus d'un facteur. La réponse physiologique à l’effort est complexe et varie d’un individu à l’autre de sorte que le carburant (principalement des glucides) et les liquides absorbés durant l’effort peuvent être bénéfiques ou au contraire nuirent à l’athlète.
POINT DE VUE PHYSIOLOGIQUE :
Lorsque l'exercice est intense et/ou lorsque la déshydratation provoque une hypovolémie (diminution du volume sanguin dans le réseau veineux du corps causée par une perte d'eau du à la sudation), l'exercice induit des changements dans la circulation sanguine, lors du passage du sang de l'intestin vers les muscles qui travaillent. Cela a pour effet une augmentation de sécrétion de certaines hormones et une diminution de l'absorption par les cellules intestinales. La combinaison de ces facteurs induit la diarrhée, des crampes intestinales, des inconforts gastriques (pression stomacale ou sensations de «ballottement») pouvant aller jusqu’à des saignements de l'estomac et du côlon, ce qui explique pourquoi certaines personnes se retrouvent avec du sang dans l'urine et les selles après des épreuves particulièrement difficiles. L'utilisation de médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS, aspirine) peut aggraver l'hémorragie et interfère avec l'équilibre hydrique au niveau des reins (ce qui tend à accentuer le problème de la déshydratation).
L'anxiété souvent présente chez les athlètes à l’approche de compétitions importantes est un autre facteur qui tend à induire des symptômes gastro-intestinaux mais il semble y avoir une différence de ces symptômes en fonction du sexe. Ainsi, les femmes présentent un risque accru (5 fois plus que les hommes) de diarrhée, de crampes intestinales et des douleurs associées. Les hommes, quant à eux, ont tendance à avoir plus de risques de vomissements et de nausées. L’ingestion de fructose contribuerait davantage à la déshydratation chez la femme.
L’usage de gels d'énergie durant l’activité est la plupart du temps LA solution préconisée par les athlètes pour leur procurer un apport en sucres comme source d’énergie rapide. Bien que pratique cette solution est, selon Stacy Sims*, auteur de l’étude citée ici, l'une des sources de carburants les plus néfastes pour la performance.
PORTÉE NUTRITIONNELLE GLOBALE
Dans un gel standard, la teneur en calories varie de 100 à 120 kcal par portion (typiquement 33 à 40g de sucre), ce qui comprend du glucose et du fructose, un peu de sodium, de potassium, des arômes et des agents de conservation. La plupart des instructions d'utilisation stipulent qu'un gel doit être consommé avec de l'eau (2 à 4 oz). C’est ici que ça commence à se compliquer...
En termes simples, un gel est un hydrate de carbone concentré: solution à 73 % minimum (73g de CHO (carbohydrates) par 100 ml). En recommandant l'eau, les fabricants cherchent à réduire la concentration de cette solution. Pourquoi? En simple, la concentration et la teneur en hydrates de carbone affectent la vidange gastrique. De par la nature de la concentration, un gel va s'asseoir dans l'estomac et augmenter la pression osmotique (relatif à l’absorbtion), en tirant de l'eau dans l'estomac pour diminuer efficacement cette pression et laisser la solution s'écouler dans l'intestin grêle, privant ainsi l’organisme d’un volume d’eau nécessaire au bon fonctionnement du système sanguin particulièrement lorsque l’organisme est soumis à un effort important. C'est le premier pas vers ce que l’auteur qualifie de "déshydratation efficace ".
Un autre aspect est la combinaison de sucres différents dont la vitesse d’absorption varie. Par exemple: le glucose est absorbé par l'intestin plus rapidement. Le fructose, plus lent à être absorbé en raison de ses mécanismes de transport moins efficaces aura tendance à rester plus longtemps dans l’espace intestinal et à provoquer une augmentation de la pression causant ainsi ce désagréable sentiment connu de ballonnement, des gaz, de la diarrhée et un inconfort gastro-intestinal général.
Pour contrer ces effets négatifs, les manufacturiers utilisent notammant la maltodextrine, un polysaccharide constitué de blocs de glucose. Parce que la maltodextrine est une longue chaîne de molécules de glucose, il en résulte un taux de vidange gastrique plus rapide. Il y a cependant un bémol à cette solution car la maltodextrine n'est pas complètement décomposée dans l'estomac mais continue dans l'intestin grêle. Ainsi, les molécules de glucose multi-chaînes qui entre dans la composition de ce composé finissent par créer le même environnement dans les intestins que le fructose dans l’estomac. On comprendra que cette solution n’aura fait que déplacer le problème…
Molécule de glucose
SA CONCLUSION :
Pourquoi ne devrait-on pas utiliser les gels? Tout d'abord, parce que cet hydrate de carbone concentré, une fois dans l’organisme se retrouve dans l’intestin et ralentira la vidange gastrique par l'eau retenue dans l'estomac pour en faciliter l’absorption. En second lieu, ils sont généralement constitués de la Maltodextrine et de fructose, deux types de glucides qui créent un environnement hyper-osmotique significatif dans l'intestin grêle. L’un comme l’autre, en plus de causer les désagréments énumérés précédemment, priveront les muscles et le sang de l'eau nécessaire au maintien de la performance.
Sachant que la perte naturelle de liquide pendant l'exercice est difficile à réduire et qu’il est essentiel de maintenir le volume nécessaire d’eau dans l’organisme pour répondre aux besoins essentiels à la transpiration et au bon fonctionnement des muscles, pourquoi voudrait-on ingérer un produit qui accélère la déshydratation et risque d’occasionner des troubles gastro-intestinaux ?
Traduit et résumé de : PHYSIOLOGY AND NUTRITION: WHY NOT GELS? Mis en ligne par Stacy Sims le 9 mai 2014, sur http://www.bikerumor.com
http://www.bikerumor.com/2014/05/09/physiology-and-nutrition-why-not-gels/
** Stacy Sims, MSc, PhD, served as an exercise physiologist and nutrition scientist at Stanford University specializing in recovery and nutritional adaptations for health, body composition, and maximizing performance. During the past decade she has worked as an environmental physiologist and nutrition specialist for top professional cyclists and triathletes, ultra-endurance athletes, the Garmin/Slipstream Pro Cycling Team, USA Cycling Olympic Team (BMX and women’s track cycling), Team Tibco, Flying Lizard Motorsports, and Team Leopard-Trek, among others. She competes as a Cat 1 road cyclist and elite XTerra triathlete and is co-founder of OSMO Nutrition.