Les cyclistes n’ont pas toujours
boosté
leur taux d’hématocrites pour améliorer leurs performances. Dans le bon vieux temps, la pharmacopée du cycliste un peu croche comportait d’étonnants ingrédients...
Le dopage est aussi vieux que le sport de compétition lui-même, car là où il y a de l’homme, il y a de l’hommerie, donc de la triche.
Déjà pendant les Jeux olympiques de la Grèce antique, les Apollons en herbe cherchaient à améliorer leurs performances en ingérant de grandes quantités de viandes et de « potions fortifiantes », et ce, même si c’était pour compétitionner dans des courses de char.
Dans le domaine du cyclisme, on s’en doute, la préoccupation est plus récente, mais toujours d’actualité (merci Lance). Depuis que le sport existe, les moyens de doper ses performances et ses résultats ont toutefois eu le temps d’évoluer.
Dans un grand bol de strychnine…
Avant que le vil Amonbofis n’en fasse un ingrédient de son célèbre pouding à l’arsenic dans le film Astérix et Cléopâtre, la strychnine n’existait pas que pour ses vertus… toxiques. Cet alcaloïde qu’on employait surtout dans la lutte à la vermine au début du siècle possède en effet des qualités étonnantes lorsqu’utilisé modérément.
Stimulant le système nerveux central, la strychnine accroît le goût, l’odorat et la vue, mais elle augmente également l’amplitude respiratoire. Un gros avantage pour les athlètes de sports de longue haleine comme les coureurs cyclistes et les marathoniens, dont l’exemple le plus probant fut certainement celui de Thomas Hicks, qui gagna le marathon olympique de 1904 grâce à deux injections de strychnine –une chance incroyable pour lui, d’ailleurs, puisqu’une troisième dose lui aurait été fatale.
On parlait d’alcaloïde? Parlons également de la cocaïne, qui était utilisée jadis pour traiter des maladies respiratoires. Les cyclistes du 19 e siècle l’employaient ainsi largement, en accord avec une époque où même la recette d’une certaine boisson gazeuse en comportait. Stimulante réputée, la coke aidait les coureurs notamment à se désensibiliser de leur fatigue et de leur douleur et à se croire meilleurs qu’ils ne l’étaient en réalité. On leur donne un point pour l’attitude, mais à long terme, c’est leur santé qui en pâtissait, car on ne fait pas long feu sur la poudre.
Toujours plus
Au cours du 20 e siècle, le dopage s’est d’ailleurs répandu comme une traînée de cette dernière. La concurrence déloyale devint presque la norme et les athlètes de haut niveau décédaient les uns à la suite des autres. La nitroglycérine, cet explosif bien connu, était une habituée des circuits cyclistes amateurs et professionnels, aux côtés de l’alcool, de la caféine et de l’éther, seule substance qu’on arrivait à détecter en raison de sa forte odeur.
Dans un article du Petit Journal de 1932, on aborde soucieusement la question, avec la perspective de l’époque :
« L’usage du doping est interdit et réprimé par les règlements des courses des Six-Jours en bicycles, mais jusqu’à ce jour, aucune sanction n’a été prise contre les athlètes et entraîneurs qui ont fait appel à son concours. C’est que le doping est toujours administré dans le plus grand secret (…).
Comment donc parvenir à découvrir chez l’athlète l’usage du doping ? C’est très facile. Il suffit de prélever un peu de la salive de l’athlète soupçonné et de procéder à l’analyse, qui ne tardera pas à révéler la présence du produit nocif.
Mais il est un moyen qui, mieux que tout autre, évitera l’absorption du doping ou les piqûres, c’est de tenir secrète l’heure des compétitions. Le doping, pour être efficace, doit être pris un temps X avant la compétition. Si on ignore le moment exact auquel celle-ci se déroulera, impossible pour l’athlète de faire usage du doping, puisque celui-ci risque fort de ne pas produire son effet au moment désiré. »
Mais la tricherie a plusieurs visages, et celui des substances n’en est qu’un.
Jean Robic, cycliste français de petite corpulence, se trouvait fort désavantagé par son poids plume au cours des descentes de col, perdant de précieuses secondes sur ses adversaires qui le dépassaient sans difficulté aucune. En 1953, lors du Tour de France , avant d’amorcer une descente, il pourvut son vélo -avec l’aide d’un complice- d’un bidon d’aluminium dans lequel on avait fondu 10 kg de plomb. Cette charge supplémentaire lui permit ultimement de remporter l’étape, mais l’astuce fut révélée après coup et les règlements, adaptés en conséquence…
Coupure de journal « Doping amateur et professionnel »
Tiré du journal L’Auto , 27 octobre 1932.
Photo « Vélo + Hélice »
Photo anonyme, autour de 1932