Le vélo, vecteur de libération de la femme ? Absolument ! Le 8 mars se tiendra la Journée internationale de la femme. On s’est dit que l’occasion était belle de rappeler cette glorieuse émancipation. Jean-François Nadeau, journaliste et historien de formation, nous en raconte quelques moments marquants.
Fin du XIXe siècle: on suspecte les femmes qui pratiquent ce nouveau sport qu’est le cyclisme d’être immorales, profondément immorales.
En 1893, la féministe montréalaise Joséphine Marchand-Dandurand commente très favorablement les changements de costumes féminins du côté américain. L’abandon de la crinoline participe selon elle à la nécessaire simplification de la toilette féminine, qu’elle envisage comme une « œuvre d’assainissement et un bienfait social » qui doit permettre de libérer les mouvements de la femme. Même si le vélo constitue un des plus grands incitatifs pour ces changements vestimentaires, Joséphine Marchand-Dandurand s’y oppose néanmoins.
Le vélo n’en participe pas moins de façon éclatante à la libération des femmes de leur habituel carcan social. En 1895, dans le journal féminin Le Coin du feu , une publicité affirme que, « pour avoir un beau teint, de beaux yeux et une figure gracieuse, la femme doit prendre beaucoup d’exercice au grand air, sur la bicycle de préférence, parce que moins cher qu’un cheval et beaucoup plus agréable qu’un exercice à pieds ».
La bicyclette est déjà très en vogue parmi la gent féminine en Angleterre, en France ainsi que dans les grandes villes américaines, dont Montréal. « On voit dans nos belles avenues et dans les allées du Parc Royal les amazones de la mécanique. Il n’y a pas de doute qu’un amusement aussi agréable ne s’acclimate ici. »
Un médecin de l’Académie de médecine estime que le vélo est bon pour les femmes mais on recommande tout de même la modération, comme en toute chose, ne sachant guère quel effet pourrait avoir au fond cette activité intense si elle était pratiquée par des femmes dans la trentaine qui, regrette-t-il, ne font plus d’exercice depuis l’enfance.
En 1893, un homme d’affaires britannique eut l’idée d’organiser en France des courses d’endurance à vélo pour les dames. Il repéra en France de jeunes sportives qui étaient inconnues et durant six jours, à raison de trois heures par jour, il les fit s’affronter. Dans ce groupe de pionnières se trouvait Hélène Dutrieux. Elle battra le record du monde sur piste en 1895 et sera gratifiée du surnom de « flèche humaine » en remportant, les deux années suivantes, le titre officieux de championne du monde de vitesse.
Toujours en 1895, des courses féminines sont présentées à Londres pendant 29 jours, ce qui donne une idée de l’intensité des compétitions pour femmes. Les participantes sont si nombreuses qu’il faut créer des sections et établir un pointage afin d’assurer les comparaisons. On organise par exemple pour les femmes des courses de 100 milles.
Saviez-vous que, déguisée en homme, une femme a participé au Tour d’Italie? C’était en 1924. Elle s’appelait Alfonsina Strada. À ce jour, son histoire est semble-t-il unique dans les grands tours .
En 1929, à Montréal, le fils d’une fameuse famille de cyclistes, Albert Gachon, se plaint de devoir courir sa première course contre des filles et... de perdre !
PHOTO: Extrait du Petit Journal, Montréal, 18 juin 1933